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À feu et à sang : Le Congo toujours enchainés

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En 1960, la République démocratique du Congo a obtenu son indépendance et pourtant le pays est à feu et à sang aujourd’hui, le peuple congolais étant lui la victime d’une crise humanitaire de grande ampleur.
Pour mieux expliquer la situation, je pourrais assez facilement retourner en 1482 avec la découverte du Congo par l’Europe. Je pourrais aussi retourner en 1884 à la conférence de Berlin où la Belgique s’approprie le Congo lors du partage de l’Afrique par l’Europe.
Je pourrais, mais pour comprendre la situation actuelle dans le pays, on va retourner dans les années 50 et 60, les années où l’Europe a voulu arrêter d’être hypocrite en prônant la liberté et les droits des hommes pour tous tout en ayant des colonies.
Ce sont les années où la RDC et plus de 16 autres pays africains ont obtenu leur indépendance devant le monde.
Devant le monde seulement car dans les coulisses, les chaînes du colonialisme sont restées et viennent expliquer la situation actuelle au pays des léopards.
« Je ne suis pas communiste, je suis africain. »
Patrice Lumumba

Trésor Kande


En effet, dès 1960, sous la gouverne de Patrice Lumumba, la RDC obtient bien sans difficulté son indépendance officielle de la Belgique. Le problème, c’est que les impacts de la colonisation belge comme l’indignité culturelle, la sujétion politique et l’exploitation économique sur le Congo ne s’arrêtent pas lors de la signature d’un bout de papier et avec le néocolonialisme, le Congo n’est pas encore réellement libéré de l’emprise belge et Lumumba reconnaît cette situation.
Pendant que la Belgique prend tout son temps pour retirer son emprise du pays, Lumumba, alors Premier ministre, veut une transition rapide basée sur des concepts bénéfiques pour son pays : nationalisation des ressources, démocratie moderne et même, à plus grande échelle, l’unification de l’Afrique…
Toutes ces idées, qui dans un contexte mondial de guerre froide et d’alignement politique entre les États-Unis et l’URSS, font que les discours de Lumumba sont qualifiés de communistes par l’Occident, en particulier la Belgique et les États-Unis. Ce sont ces mêmes idées, ces mêmes discours qui vaudront à Lumumba son arrestation puis son assassinat dans un coup d’État commandité par la Belgique et les États-Unis. Ces deux pays avaient des vues sur l’uranium congolais et la région du Katanga et la disparition de Patrice Lumumba en 1961 a servi leurs intérêts.
Sources : Bande-son pour un coup d’État, documentaire réalisé par Johan Grimonprez (2024)


C’est de là, dans l’histoire contemporaine, que part l’histoire sanglante du Congo-Kinshasa. La mort de Lumumba en 1961 instaure une période d’instabilité politique de 5 ans où le chaos pour le pouvoir profite aux compagnies étrangères belges et américaines. Malgré tout, ce point dans l’histoire n’est qu’une des raisons pour lesquelles les atrocités actuelles commises dans l’est de la RDC sont une crise humanitaire sans précédents, la deuxième est la dictature de Mobutu.
En effet, de 1965 à 1997 s’ensuivent 32 ans de dictature par le tristement célèbre Mobutu Sese Seko. Cet homme et sa dictature méritent et auront leur propre article bientôt, donc on n’ira pas dans les détails de la vie de cet homme qui était le responsable des armées du gouvernement de Lumumba.
« Si vous voulez voler, volez un peu de manière agréable. Mais si vous volez trop pour devenir riche du jour au lendemain, vous serez pris. »
Mobutu Sese Seko


Il est cependant important de comprendre que cette dictature est commencée par un coup d’état mené par Mobutu et est ensuite marquée par de la répression politique violente, de la corruption sans vergogne et de la manipulation au profit des nations étrangères. Mobutu avait compris que pour rester au pouvoir, il devait servir les hommes d’affaires et les politiques occidentaux et il ne s’est pas gêné pour le faire avec la France, la Belgique et les États-Unis entre autres. Il en a bien profité lui aussi pour se remplir les poches et vivre dans le luxe, comme un roi. Mais entre endettement, analphabétisation, difficulté démocratique et division ethnique, la dictature de Mobutu n’a fait qu’accentuer les problèmes qu’avaient laissés les colons au pays.
Son héritage n’en est d’autant plus terrible car ce sont ces mêmes pays occidentaux qui se retournent contre lui, arrêtent de le soutenir et le rendent responsables de la chute de son régime car il ne rentrait plus dans le moule de la « démocratie occidentale ».

Après la décolonisation et la dictature de Mobutu, la troisième raison qui vient expliquer la guerre au Congo est l’instabilité politique constante créée par les conséquences du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 (cet évènement mérite lui aussi son propre article). Ce génocide est l’une des raisons les plus modernes derrière la situation actuelle au Congo. De fait, ce génocide verra des millions de réfugiés rwandais trouver refuge dans l’est de la RDC, qui seront accueillis par Mobutu pour bien se faire voir par l’Occident. Cette vague massive de réfugiés est composée de membres de la communauté tutsi, victimes du génocide, mais aussi d’un nombre important de Hutus, responsables du génocide rwandais. C’est depuis ces camps de réfugiés que des rebelles hutus mèneront des attaques violentes au Rwanda, ce qui entrainera ensuite la chute de Mobutu, ainsi que la première et la deuxième guerre du Congo avec notamment pour belligérants l’Ouganda et le Rwanda.
Source: « Taming the Leopard: The Rise and Fall of Mobutu Sese Seko » Medium, Tommy Pia


Depuis 1994, l’instabilité politique règne en RDC et dans la région des Grands Lacs africains, une instabilité politique qui touche d’autres pays comme le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi et la Tanzanie. Les divisions ethniques, économiques, culturelles, linguistiques, religieuses, frontalières et autres persistent aujourd’hui et se matérialisent par nombre incalculable d’ingérences politiques où chaque pays soutient des groupes rebelles agissant dans les frontières d’autres pays, en particulier le Rwanda. C’est le gouvernement rwandais, mais aussi celui de l’Ouganda qui sont accusés par l’ONU de soutenir les groupes rebelles du M23, groupe accusé de violations des droits de l’homme et de multiples massacres dans l’est du Congo depuis leur insurrection en 2021.


Aujourd’hui j’écris ces lignes car le peuple congolais vit une crise humanitaire, car selon le « Council on Foreign Relations », près de 100 groupes armés différents sévissent au pays avec le M23 en tête d’affiche. Ce sont ces groupes qui ont créé une situation qui voit plus de 7 millions de civils déplacés (Comité international de secours), 25 millions de personnes en besoin d’aide humanitaire (CIS), 4,5 millions d’enfants souffrant de malnutrition aiguë (IPC), l’utilisation du viol comme arme de guerre (Denis Mukegwe, lauréat du prix Nobel de la paix) et bien plus encore de crimes et de massacres qui laissent pour victimes des hommes, des femmes et des enfants innocents.
Aujourd’hui, j’écris ces lignes car le Congo est riche, mais les Congolais ne sont pas les bénéficiaires de ces richesses naturelles. La République démocratique du Congo est toujours aussi riche qu’elle ne l’était en 1960, entre l’eau de lac, les terres cultivables, les mines d’or, d’uranium, de cobalt, de coltan, de diamant, de cuivre et bien d’autres encore. Ces ressources se retrouvent en abondance dans l’est de la RDC et le contrôle de l’exploitation de ces dernières est l’une des grandes raisons qui font que la région est en constante instabilité politique.
Aujourd’hui j’écris ces lignes car il faut en parler, parler de cette injustice, des souffrances, des crimes et des crises dont le peuple congolais est victime. Car il faut comprendre pourquoi on en est arrivé là, pour comprendre que ce cycle de violence en cours doit trouver une fin, pas seulement sur papier, mais une fin véritable.


Marc Olivier Edoine

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