Le Typographe a récemment reçu une lettre ouverte d’un étudiant voulant rester anonyme
Suite à la situation du vendredi 11 novembre, les étudiants ont réussi à obtenir une levée de cours. Cependant, le cégep semble hésiter à reporter les examens. Voici le problème avec cette inaction, selon une personne qui vit avec un TSTP depuis plusieurs années.
Je ne rentrerai pas dans les détails des événements traumatiques que j’ai vécus et je ne parlerai pas pour autant de moi, vu que ce n’est pas nécessaire à cette conversation. Ce que je vais mentionner, c’est comment le stress académique peut affecter les personnes qui vivront ou vivent déjà des séquelles suite à cet incident.
Je pourrais parler pendant des heures des multiples problèmes d’apprentissage associés au trauma: perte de mémoire, difficulté à se concentrer, perte d’intérêt, perte de motivation… Je pourrais, mais je ne suis pas un professionnel de la santé, et des critères de diagnostiques, des facteurs de risques, des conséquences, ont peu d’importance à mes yeux.
Je me rappelle c’était comment d’aller à mes cours, tout fraîchement sorti de mon enfer personnel. Je me rappelle c’était comment de voir le monde autour de moi totalement inchangé, malgré que le mien ne retournerait plus jamais à la normale. Je me rappelle la manière avec laquelle les gens me dévisageaient, lorsque je sursautais à chaque claquement de porte de caser, à chaque cri, à chaque mouvement brusque. Je me rappellerais toujours la première fois que j’ai réalisé que le monde ne sera plus jamais sécuritaire.
Je me rappelle c’était comment de m’asseoir en examen, incapable de me concentrer ou comprendre ce qui se passait vraiment. Qu’est-ce qu’un examen, une dissertation ou un oral quand le monde entier vient de totalement basculer? La pièce est inclinée, tout pourrait chavirer, mais rien ne bouge. D’une certaine manière, le monde tourne sans cesse, mais arrête de bouger, et le temps n’existe plus vraiment; les jours, les nuits, le passé et le présent ne sont plus rien qu’une seule masse indiscernable à mes yeux.
Je me rappelle devoir faire une présentation; être devant la classe. Le monde devient flou, une masse imperceptible. Les étudiants fondent les uns dans les autres. J’arrête de me demander s’ils savent, s’ils voient, s’ils comprennent. Ce n’est plus important. On m’a appris que, ce qui compte, c’est réussir. À n’importe quel prix, que ce soit ma santé ou ma vie.
Je me rappelle avoir perdu mes émotions, avoir le regard vide. Je me rappelle du moment où mon monde est devenu pâle et monotone. Je me rappelle avoir perdu l’espoir.
Ma vie sera toujours partiellement dans le passé, pour le restant de ma vie. Depuis, j’ai appris à vivre à nouveau, grâce à ma psychologue, aux temps. J’ai appris que le stress scolaire m’a changé pour toujours, et je vais, probablement pour le restant de ma vie, essayer de me détacher des dommages que le stress académique vécu durant ces pires moments de ma vie a eu sur ma santé.
Cette journée, certains étudiants ont vu du sang, des blessés, une majorité des étudiants présents ont entendu des coups de feu, et ont fini leur soirée escortés par des policiers armés. La seule façon de réduire les dommages que cet évènement aura sur le mental des élèves est de réduire le stress de ces derniers le plus possible. Je n’ai pas d’examen cette semaine; certains diraient que j’ai aucune raison d’écrire en ce moment. Je n’écris pas pour moi, mais pour ceux qui ne savent peut-être pas encore comment exprimer leurs besoins.
Ici, je parle aux professeurs: Si la direction n’annule pas les rendus et examens de cette semaine, je vous incite à le faire. La remise de ce rendu cette semaine, est-elle plus importante que l’état de l’étudiant qui entrera en classe, et comme moi, ne regardera pas son examen, mais son environnement qui sera déformé à ses yeux pour toujours ?
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